La vérité sous la terre
"Nous continuons à vivre toujours dans la même misère mais au moins cette violence nous a ouvert les yeux en ce qui concerne nos droits. Cette lutte, nous devons continuer à la mener. Je suis certaine que les riches vont peu à peu devoir nous prendre en considération. Qu’ils le veuillent ou non. Lorsque le massacre de Pulay a eu lieu en 1982, toute la famille a dû fuir pour se cacher dans la montagne. Nous n’avions plus rien, nous mangions des herbes ou des racines. Pendant toutes ces années, nous nous couvrions avec des morceaux de tissu ou avec des bouts de plastique pour couvrir nos parties honteuses. Nous vivions toujours dans la peur de voir arriver les soldats. Lorsqu’un peloton militaire passait, les femmes devaient couvrir la bouche des enfants pour que leurs pleurs ou leurs cris ne nous trahissent pas. Beaucoup d’enfants sont morts étouffés de cette manière, par les mains de leur propre mère."
(...)
Je pense que ce sont les riches qui ont commencé cette répression contre nous. Parce que nous ne voulions plus aller travailler dans les fincas. Nous ne voulions plus continuer à souffrir à cause de la discrimination et des salaires injustes. Nous n’avons plus voulu être piétinés par les finqueros, par les riches. Nous nous organisions pour exiger nos droits. Mais ils n’ont pas apprécié et c’est pour cela qu’ils ont voulu nous faire disparaître. La guérilla est apparue à cause de cette pauvreté et même si je ne suis jamais allée avec eux, je peux témoigner qu’ils ne nous ont jamais fait de mal. Au contraire, ils nous protégeaient, ils nous indiquaient les endroits les plus sûrs, ils nous expliquaient comment le système nous exploitait. Contrairement à eux, l’armée nous a fait beaucoup de mal, elle nous persécutait pour nous tuer. Très jeune je me suis rendu compte que l’armée n’était que haine et cruauté.
Les militaires ne nous ont apporté que la mort, la douleur et la tristesse."
Ana López Pérez, 26 ans. Maya-ixil.
Avec ses deux enfants, Tek et Xan.
(extrait du livre "La vérité sous la terre" éditions Parenthèses)