La vérité sous la terre
Ma petite soeur s’appelait Rosa, mais les compas* l’appelaient Patricia. Elle aurait 35 ans aujourd’hui. Elle serait mariée, elle aurait des enfants. Mais ma soeur s’est enrôlée dans la guérilla dans les années quatre-vingt. Elle était encore jeune. Elle m’a dit qu’elle partait lutter parce que la situation était telle que nous ne pouvions plus vivre. Les soldats nous persécutaient toujours plus, nous, les Indiens. Il n’y avait plus de liberté, il n’y avait plus d’endroit où aller, alors cela a été la seule issue qu’elle a trouvée pour survivre : partir avec la guérilla. Elle me disait, ça suffit cette pauvreté, cette discrimination. Elle disait que si elle devait mourir, que cela soit au moins pour une cause et non pas agenouillée et humiliée. Allez savoir comment est née cette conscience chez ma soeur. Lorsqu’elle a su que les patrouilleurs m’avaient laissé pour mort lors du massacre qui eut lieu dans la finca San Francisco, elle me disait que ces salauds de militaires allaient payer pour ce qu’ils m’avaient fait. Mais elle est tombée au combat le 18 novembre 1985. Elle n’avait que 15 ans. Lorsque ses compas m’ont annoncé sa mort, mon coeur a beaucoup pleuré. Aujourd’hui est un jour triste et en même temps joyeux parce que je vais enfin pouvoir lui offrir une sépulture digne. Elle est la seule famille qui me reste ; alors, même morte, nous serons à nouveau ensemble."
Nicolás Toma Velasco, 48 ans. Maya-ixil.
Sa soeur Rosa Toma Velasco a été exhumée en juillet 2004.
*: Camarade guerrillero.
(extrait du livre "La vérité sous la terre" éditions Parenthèses)