L'autre guerre
« Étrangement, les mareros les plus tatoués sont les plus instables, ceux qui cachent le plus leur fragilité, ceux qui s’estiment le moins. Se tatouer intégralement, corps et visage, suppose un changement d’identité qui masque cette personne que l’on ne veut pas être, et efface de la mémoire cet enfant qui n’a pas eu le courage ou la force de protéger sa mère des coups ou qui n’a pas su comment se défendre des abus subis et dont il ne parle jamais pour ne se sentir ni humilié ni marginalisé. Grâce à ces tatouages, ils peuvent se créer un autre moi qui inspire la peur et leur donne le sentiment d’être forts et respectés. Ils utilisent leur corps – la seule chose qui leur appartient – comme un livre ouvert où ils écrivent leur vie, leurs peines, leurs joies. Lorsqu’ils en arrivent à se tatouer le visage, c’est comme un suicide social et une façon, sûrement inconsciente, de provoquer un sentiment de culpabilité et de honte, non seulement vis-à-vis des parents, mais aussi de l’ensemble de la société, une société qui les a poussés à devenir des pandilleros. »
Felipe P. 32 ans, psychologue.
Extrait tiré du livre "L'autre guerre" aux éditions Le bec en l'air