LETTRES AUX ABSENTS... (La vérité sous la terre)
EXTRAIT:
Jorge,
Nous ne t’appelions pas Jorge. Ta famille et tes amis disaient « Papeto ».
Et bien Papeto, je veux te dire que je t’aime énormément. Tu es venu au monde grâce à la relation que j’ai eue avec Salvador, ton père. Il t’a engendré et moi, je t’ai conçu par amour et, avec ce même amour, je t’ai allaité, je t’ai élevé et je t’ai éduqué. Je me souviens de tes premiers pas, je me souviens de tes premiers mots.
Plus de cinquante ans ont passé depuis et pourtant tu es partout dans mes souvenirs… Je me souviens de toi, ce petit bonhomme blondinet, que j’emmenais à l’école. Tes maîtresses pensaient que tu étais trop jeune pour être inscrit parce que tu étais de petite taille. Pourtant, ton comportement à l’école et ton caractère si sociable t’ont ouvert des portes. Tu as eu beaucoup d’amis et tes frères et soeurs t’aimaient beaucoup.
(...)
Ces jours-ci je suis allée voir ta soeur Olga et, comme toujours, la première question qu’elle me pose est : « Sais-tu quelque chose de Papeto ? As-tu des nouvelles de Papeto ? » Puis, comme toujours, l’inefficacité des autorités m’oblige à répondre : « Nous en sommes toujours au même point, nous n’avons aucune nouvelle de lui ». Cependant, nous avons toujours l’espoir de savoir un jour ce qui t’est arrivé, ce qui s’est passé, comment ces personnes méprisables ont mis fi n à tes jours. Tant de gens ont vécu ce même drame et nous sommes chaque fois plus nombreux à élever la voix, c’est pourquoi je crois que le jour n’est pas bien loin où nous aurons le bonheur, si l’on peut dire, de connaître la vérité sur ta disparition.
Jorge, tu es toujours dans mon coeur.
Je t’aimerai tous les jours de ma vie et même encore après la mort.
TA MAMAN
Ester Hernández de Herrarte, 78 ans. Ladina.
Lettre du 11 avril 2005, traduite de l’espagnol, à son fils, Jorge Alberto Herrarte Hernández (29 ans). Enlevé le 15 mai 1983 par les forces armées, il est toujours porté disparu.
Tiré du livre "La vérité sous la terre" Éditions Parenthèses.