La vérité sous la terre
"Viens, viens ici. Regarde. C’est ici qu’ils se reposent et je suis venu parler à mes défunts. Aujourd’hui je ressens une grande tristesse, j’ai tellement pleuré. J’ai tellement pleuré en demandant à Dieu de protéger les âmes de ma deuxième femme, de mes trois enfants et de mes dix petits-enfants parce que ce n’est pas Lui qui les a tués. Ce sont les soldats. Malgré ma tristesse, aujourd’hui est quand même un jour de fête parce que c’est la première fois que nous sommes tous réunis depuis qu’ils ont été assassinés.
Pendant plus de vingt ans j’ai prié. J’ai beaucoup prié mon Dieu pour qu’il me donne suffisamment de vie pour pouvoir nous retrouver, ma famille et moi, et pour être réunis tous ensemble, dans ce cimetière, pour leur offrir des bougies, des fleurs, du copal-pom, de la nourriture et un petit coup à boire. Ben tiens, bois un petit coup, toi aussi, tu verras, mes défunts vont être contents…"
Pablo Gallego Matón, 85 ans. Maya-ixil. 1er novembre 2004, cimetière de Pulay.
(extrait du livre "La vérité sous la terre" éditions Parenthèses)