La vérité sous la terre
"Tu vois celui qui plante la croix ? C’est Andrés Guzmán Santiago et il est en train d’enterrer sa maman, Feliciana Santiago, qui est morte de froid lorsque nous vivions cachés dans les CPR. Andrés a déjà enterré son frère, un guérillero qui est mort au combat…
Moi, mon premier souvenir d’enfant, c’est celui de ma grand-mère. Nous étions cachés dans la montagne avec les CPR. Elle me disait qu’elle n’avait plus de forces, qu’elle allait mourir parce qu’elle avait trop souffert. Elle me disait que moi par contre j’étais jeune, que je devais continuer à lutter pour vivre et faire très attention. Mais j’ai tellement souffert pour survivre. Tellement. Il y a des nuits où ma femme doit me réveiller parce que je suis en train de crier et de pleurer à cause des cauchemars que je fais sur ces maudits soldats. Et quand je n’arrive pas à dormir parce que j’ai la tête pleine de toutes les souffrances que j’ai vécues, quand je n’en peux plus de toute cette tristesse qui est en moi, je bois un petit coup pour pouvoir oublier tout ça, au moins pendant un petit moment. J’ai en fait très peur de tomber dans le vice de l’alcool, comme tant d’autres ! Mais je voudrais tant pouvoir ne plus me souvenir de tout ça.
Mon fils n’a que quatre ans, mais il se rend parfois déjà compte des inégalités que nous subissons parce qu’il me demande : papa, pourquoi nous n’avons pas une maison comme il faut, avec des briques et un sol en dur ? Pourquoi notre maison est faite de terre et de bois ? Alors, je lui dis qu’il est encore trop jeune pour comprendre la situation que nous, les Indiens, avons dû vivre. Je lui dis juste que nous vivons cette pauvreté parce que les riches nous ont toujours volé nos biens et nos richesses. Qu’est-ce que je pourrais lui dire de plus ? Le pauvre !"
Andrés Guzmán López, 26 ans. Maya-ixil.
10 septembre 2004.
(extrait du livre "La vérité sous la terre" éditions Parenthèses)