La vérité sous la terre
"Je suis l’unique survivante du massacre de Panimache. J’avais environ cinq ans.(...) Je faisais des cauchemars toutes les nuits et je me réveillais toujours en pleurant. Je ne voulais plus me lever, je passais mes journées allongée, je n’avais pas envie de jouer. De toute façon avec qui ? Ils avaient aussi tué tous les enfants. (...) Nous étions tous dans nos maisons lorsque le 25 août 1982 un camion de l'armée est arrivé. Ils étaient nombreux ; il y avait peut-être 60 soldats. Ils sont entrés à deux ou trois dans chaque maison. Ils n’ont trouvé que les femmes parce que les hommes étaient en train de travailler dans les champs. (...) Ils nous ont demandé de sortir des maisons et ils nous ont rassemblés. Ils ont choisi d’abord des jeunes femmes et des adolescentes et ils les ont emmenées dans les champs de maïs ou dans les maisons pour les violer. Puis la fusillade et les coups de machette ont commencé. J’étais collée aux jupes de deux femmes qui me sont tombées dessus pendant le massacre. Je suis restée des heures coincée sous le poids de leurs corps et c’est comme ça, grâce à ma petite taille, que je suis restée vivante parmi les morts."
(...)
"Moi, je n’ose pas réclamer justice parce que peut-être qu’on me demandera beaucoup d’argent et je n’ai pas de ressources. Il est important aussi de savoir ce que les autres gens du village en pensent. Il faut qu’on en parle tous ensemble, et puis, comme je suis une femme, ce n’est pas à moi de prendre cette décision.
Depuis que les exhumations ont commencé, la tristesse et l’envie de pleurer sont revenues parce que je me rappelle de tout ce que nous avons souffert, mais c’est aussi grâce à ça que j’ai pu commencer à raconter à mes enfants ce que nous avons vécu pendant l’époque de la violence."
Sebastiana Chicoj Morales, 26 ans. Maya-k’iche’.
(extrait du livre "La vérité sous la terre" éditions Parenthèses)